Revue écrite par
SANDRO IOVINE,
Directeur de publication de FPmag
La première question posée par les photographies de Serge Maes est: Qu'est-ce qu'une ville? Les critères de définition de la ville varient considérablement d'un pays à l'autre. Le nombre d'habitants est le critère le plus répandu, mais ce n’est pas suffisant pour un photographe. Un bon photographe cherche toujours la profondeur, l'âme des choses et parfois, lorsqu'il la trouve, peut reconnaître même sa propre âme.
Mais l'âme d'une ville est complexe, pleine de facettes, d’histoires qui s'entrecroisent, de rencontres. Enchevêtrement de vies qui s’effleurent, qui génèrent de nouveaux paysages en constante transformation. Dans les images de Serge Maes vous pouvez trouver les leçons de William Klein et Alex Webb. Le premier pour les compositions dans lesquelles l'œil du photographe réussit à mettre de l'ordre dans le chaos apparent. Le second pour l'utilisation intensive de la couleur et la profondeur des basses lumières. On retrouve aussi l’esprit de Robert Frank (Les Americans, Canal Street-New Orleans) et d’Henri Alekan, directeur de la photographie dans le film de Wim Wenders, Les Ailes du désir (Der Himmel über Berlin). Le résultat final est très agréable et montre une vision très particulière de la ville, une vraie vision conformément au poème “Ça a été” de Roland Barthes, mais aussi une vision personnelle de la relation intérieure du photographe avec la ville.
Un des points forts de ce travail est sans aucun doute l'utilisation de la couleur. La saturation élevée que l'on trouve dans ces images donne un caractère fort et donne un sentiment d'une ville aliénante. Cette interprétation est très personnelle, souvent presque claustrophobique, et soutenue par des compositions raffinées, complexes, pleines de dynamisme et de vigueur. Dans la première photo, nous trouvons l’autoportrait-signature de l'auteur, dont nous pouvons voir l'ombre qui s'étend symboliquement sur l’image. Cette photographie déclare d'emblée que ce que nous allons voir n'est pas nécessairement objectif, mais l'interprétation de l'auteur.
Bonne aussi la dernière photo avec son atmosphère nocturne qui nous mène à la réflexion sur ce qui a été vu précédemment. Si le personnage bleu, en bas à gauche, est l'auteur, nous sommes confrontés à une parfaite circularité qui renforce la déclaration initiale de subjectivité. Un autre point fort est la gestion des espaces dans l'image, espaces dans lesquels des nombreuses actions différentes et contemporaines se développent dans le flux de la vie quotidienne.
Le sentiment que je ressens à regarder les photos de Serge Maes est une ville qui tourne autour du photographe (et bien sûr du spectateur qui observe la photo), une vitesse que l’on essaie de ralentir pour obtenir une compréhension du lieu. Si j'étais Serge Maes, j’essayerais de faire la séquence de temps en temps un peu moins tourbillonnante, avec l’insertion de quelques images un peu moins dynamiques et quelque peu plus stables. Avec des images si fortes et un rythme tellement serré, à mon avis, il vaut mieux faire quelques petites pauses pour… reprendre haleine et se préparer à une conclusion plus calme.
Compte tenu des excellents résultats obtenus, je ne peux que conseiller à Serge Maes de continuer avec la street photography, un genre qu'il interprète avec grande personnalité et beaucoup de goût. Rien d'autre à dire, sauf que j'ai vraiment beaucoup apprécié le travail de Serge Maes, et c'est quelque chose qui n'est pas courant.