Revue écrite par
PAULINE VERMARE,
Commissaire adjointe, International Center of Photography
J’aime beaucoup la série de Salva – sa continuité, son ambiance, sa lumière, son esprit. La rigueur et la cohérence visuelle du portfolio sont impressionnants et témoignent du professionnalisme, de la sensibilité et du talent de Salva. Il y a une tonalité unique à cette série, une dimension quasi-métallique, et sensible, dans les couleurs et dans la lumière, qui est très particulière, très acide-jazz. J’aime cette correspondance. Le portfolio fonctionnant comme un fil, je propose de regarder les images l’une après l’autre.
Magnifique démarrage, d’abord : cette photo d’ouverture, le chat marchant à pas de loup, est parfaite. Cadrage, lumière (comme un faisceau, sur le museau), les carreaux comme fond visuel, tout est bon. Une manière très délicate et subtile d’introduire le pianiste et la délicatesse de son doigté.
La photographie numéro 2 est trop symétrique à mon goût, mai sil s’agit bien de goûts, subjectif : la photo est bonne et très bien réalisée techniquement.
Le portrait de l’artiste, la photo numéro 3, est excellente, directe, frontale, sans fioriture. J’aime le fait que le sujet de nous regarde pas directement.
La photo numéro 4 est bonne, mais, comme les autres photographiques d’intérieur, elles est plus posée, plus artificielle. Cela ne gâche rien à la qualité de la série, d’une certaine manière ces photos se complètent, diurne nocturne, léger et intense, révélant là aussi la nature du travail de l’artiste. Le chat lui-même semble bien moins inquiétant (et inquiet) à côté de sa maîtresse dans la cuisine.
J’aime énormément la photo numéro 5, cette structure, ces harmonies, cette symbolique, la courbes et les lignes, les couleurs, tout est capturé de manière extrêmement rigoureuse et singulièrement attirante. On y voit aussi un peu d’humour, ce visage qui se dessine, une bien belle paréidolie.
L’image 6 me semble un peu plus forcée, littéralement, au niveau de l’éclairage, du sujet, mais je comprends que cette photographie figure dans le portfolio, elle représente un autre état de l’artiste, une sorte de souffrance. Le reflet est intéressant, mais peut-être de trop, à cause du fond, chaotique, du studio.
L’image 7 me touche moins également, la lumière du studio, des ordinateurs, vraiment, me bloque. Et peut-être est-on trop proche ? Mais là encore, j’aime l’idée, les états variés de l’artiste au travail, sa passion à l’œuvre.
Le portrait 8 est beau, classique, la concentration est palpable, et j’aime le léger décentrage.
Mais c’est le portrait 9 qui me plait le plus, quelle belle idée ! Ces chaussettes sont un excellent sujet : l’ancrage, à la fois fondamental et ludique. C’est un excellent décalage.
L’image 10 est bonne, mais en comparaison le pense que le portrait 11 est plus fort : j’aime la distance dans cette image, elle nous laisse admirer l’artiste et son outil sans entrer trop dans son intimité, et les lignes sont très belles, ces blocs sur les murs, le piano, la photo est solidement cadrée, et l’éclairage est plus délicat, avec cette lampe jaune à gauche. C’est peut-être ce qui me gêne dans certaines autres images : une lumière trop directe, et blanche, qui empêche dans certains cas la poésie de s’installer totalement.
C’est le cas de l’image 12, qui est trop blanche, trop « grillée », pour me parler réellement. J’aime l’idée du chat comme interlocuteur, mais je pense que la scène aurait été plus forte avec une lumière plus douce, plus de contraste. La photo finale est charmante, classique, un excellent portrait. Un peu trop de lumière et un peu trop de pose pou moi, mais là encore il s’agit de goûts : objectivement, c’est un très bon portrait, avec ces petites fantaisies au mur qui correspondent très bien au sourire de la femme et au sérieux du chat…
Je suis heureuse d’avoir fait grâce à Salva ce « voyage poétique en sensibilités sombres et lumineuses ». Bravo à lui, et à Bruno, Ximena, Julian et Rocco, pour ces belles harmonies.
