Walter Benjamin était un outsider à plus d’un sens. Un intellect brillant qui n’a jamais pu acquérir une position académique, un Juif qui a dû fuir l’Allemagne nazie, un Allemand qui ne se sentait vraiment chez lui qu’à Paris, un Einzelgänger du XIXe siècle échoué dans le brave nouveau monde de la marchandisation capitaliste. Benjamin a pris position dans l’entre-deux. Dans son œuvre, nous entendons l’écho des ruines qui s’effondrent, nous embrassons une vision de l’humanité déchue. En réponse, Benjamin a cherché à raviver le potentiel révolutionnaire du fétiche, du fantasme et du fragment. C’est un morceau manquant, un tampon dans un passeport, qui a mis fin au voyage de sa vie dans la ville frontalière espagnole de Port Bou.
Je suis un écrivain et un photographe belge. Dans une époque inondée par le scintillement des écrans et le papillonement des téléscripteurs de nouvelles, je cherche l’ombre, le statique. Mon travail est une mise en œuvre de la géopoétique, une pratique critique qui vise à développer un contact sensible et intelligent entre l’esprit humain et notre habitat planétaire, et à développer de nouvelles façons d’exprimer ce contact. Il s’agit d’un voyage en partie métaphorique : un processus de résistance, de recherche et de refondation. Le voyage est également littéral et physique. La géopoétique est une invitation à aborder la terre d’une nouvelle manière, à s’immerger dans des territoires et des langues étrangères et à faire viscéralement l’expérience de l’état de non-connaissance. Souvent, mon travail est imprégné d’échos poétiques et philosophiques du XIXe siècle, une époque où l’humanité a viscéralement commencé à faire l’expérience d’un ultime déracinement de ses origines mythiques.