Lucie Jean

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Lucie Jean

Photographie contemporaine

de Lucie Jean (France)

« Il est des photographes qui traquent avec obstination l’heure juste, l’instant idéal où la lumière recueillie sera la plus pure pour l’émulsion. Chasse et chimie. Lucie Jean cherche, elle, à s’attarder à se faire oublier dans ce moment où les choses reprennent vie, après l’engourdissement du passage de l’homme. Des greniers, des piscines, des congères ou des pans de mur rendus à eux-mêmes, continuant sans cérémonie un mouvement élémentaire trop ample pour être isolé par le temps humain. Affaire de souffles, de craquements, de bulles dans la glace.


Portfolio du workshop Photographie contemporaine avec Lise Sarfati, Novembre 2014.

Revue écrite par MARTA DAHÓ,
Commissaire indépendante et professeur d’Histoire de la photographie

Chère Lucie,

Avant toute chose, je vous félicite pour votre nomination à la Bourse du Talent dont nous pourrons bientôt voir la sélection à la BNF. Je suis convaincue que la visibilité offerte par l’exposition au sein d’une institution si prestigieuse sera une excellente opportunité pour la visibilité de votre travail.

J’ai pu voir sur votre site internet que vous avez exposé Pluie Noire aux Comptoirs Arlésiens et il est très agréable de voir les photographies de l’exposition; elles permettent de mieux comprendre certains des aspects de la narration visuelle de votre projet qui dans le portfolio online ne s’articulent peut-être pas avec la même subtilité. Mais procédons par étapes. L’approche de Pluie Noire est assez claire, votre texte la définit bien et le titre me semble particulièrement bien choisi.

Votre questionnement au sujet de l’extension de la zone contaminée me semble très pertinent afin de comprendre votre proposition, la réponse découle des orientations diverses qu’adopte votre déambulation, votre dérive, si vous me permettez ce terme.

Vos images sont très suggestives. Cependant, pour votre propre dynamique narrative, je signalerai qu’il est très important que vous sachiez comment moduler votre potentiel quant à l’ensemble susceptible de transmettre correctement vos réflexions. En observant les différentes séquences - celle que vous proposez pour Eyes in Progress, celle que l’on peut voir sur votre site internet, ou celle que l’on voit à travers les installation shots de votre exposition aux Comptoirs Arlésiens‒ ce qui en ressort est la variabilité de la force de votre proposition selon la séquence et son assemblage final.

Si nous nous en tenons à la sélection et séquence qui apparaisse sur le portfolio Eyes in Progress, c’est la première partie d’images en noir et blanc, plus floues qui attire notre attention, assez en contre-pied de celles qui suivent en couleur, plus précises, définies, plus «dans la retenue et contemplative».

C’est comme si vous avanciez sur deux rails parallèles: celui du mouvement (images floues, nocturnes, urbaines et en noir et blanc) et celui de la contemplation (images nettes en couleur de la nature), comme si ils répondaient à deux attitudes cachées. Dans l’exposition, cette dichotomie stylistique se résout d’une certaine façon par votre savoir faire dans la mise au mur. Le groupe d’images en noir et blanc sans marges et regroupant des tailles distinctes fonctionne très bien mais je ne suis pas certaine que le lieu du groupe d’images flou soit adéquat en étant en dessous des images en couleur placées en une seule ligne régulière.

Je crois qu’il y a sur ce point des aspects non résolus qui seraient bon de revoir en expositions successives.

Pour cette raison, je vous inviterai à reconsidérer la disposition de l’exposition en une ligne continue et régulière, afin de vérifier si cela répond mieux à votre but. Enfin, votre proposition de déambulation n’est pas linéaire ni clairement définie. Afin que le spectateur puisse s'arrêter et contempler, comme vous l’aviez fait dans ces espaces qui exprimaient au mieux selon vous le symptôme invisible de sa détérioration, et afin qu’il puisse accéder au mieux à votre sensibilité et à votre but, il est important de lui suggérer un temps, un rythme peut être plus irrégulier et personnel: le votre propre.

Si je ne me trompe pas, il y a deux images dans votre portfolio qui ne sont pas exposées et cela me semble être une bonne décision de ne pas les inclure dans votre exposition. Dans le cas de la n°5, son flouté est excessif et elle déséquilibre le reste des images qui fonctionnent parfaitement bien. Dans le cas de la n°1, l’image a un impact formel plus décisif mais il me semble que ces ronds blancs introduisent quelque chose qui marquent trop le reste de l’ensemble. A revoir en effet, si la direction qu’indique cette image coïncide réellement avec celle qui suivra.

Je m’explique: je crois que le détail du manteau et les possibles allusions prennent un protagonisme formel excessif dans l’ensemble. Si pour vous cette image est importante, je vous suggèrerai que vous la mainteniez d’une façon isolée, même si je vous suggèrerai également d’évaluer si cette image ne décante pas l‘interprétation jusqu’à une vision trop métaphorique qui au final tendrait à trop simplifier votre proposition, à la mettre sur un plan trop symbolique.

Les images en couleur choisies pour le portfolio de Eyes in Progress et leur séquence ne fonctionnent pas aussi bien qu’elles le pourraient dans ce format du diaporama. Je suggèrerai de reconsidérer la pertinence de la n°17 dans l’ensemble. J’ignore si l’immeuble est important mais il me semble qu’il rompt considérablement la narration visuelle qui se forge dans l'ensemble des autres images.

Egalement, il me semble que la similarité des images 10 et 18 n’est pas bien résolue dans la séquence. Trop similaires et en étant éloignées l’une de l’autre, cela génère une espèce de déjà vu qui ne parvient pas à trouver du sens dans une sélection si brève. Par ailleurs, il nous en faudrait plus, comme si le nombre d’images choisies ne permettait pas de transmettre pleinement l’objectif de votre projet.

Par ailleurs, je vous suggèrerais également que vous révisiez la syntaxe visuelle du projet. Par exemple, il serait opportun que vous ré-évaluiez si c’est une bonne idée de jouer avec les similitudes de volume en montrant ensemble les photographies 12 et 13. En voyant la façon avec laquelle vous avez exposé les photos des Comptoirs Arlésiens, j’observe que c’est une tendance récurrente que vous adoptez.

Cette association qui rapproche des formes similaires du paysage a des conséquences importantes dans les réflexions induites et je crois qu’il serait important que vous analysiez si ces associations aident le spectateur à entrer dans votre réflexion profonde sur la signification de votre voyage.

Afin de vous aider dans la réflexion sur cette question délicate et complexe qu’est le flux du discours par les images, permettez moi de vous recommander quelques références qui pourront peut être vous donner quelques bonnes idées lors du montage d’une exposition et à vous donner une proposition renouvelée d'interprétation de votre projet:

· Sophie Ristelhueber et l’importance donnée à la façon d’exposer ses images: (http://sophieristelhueber.blogspot.com.es/p/analyse-de-la-demarche-artistique_16.html)

· Maxence Riflet, spécialement la vue de l'exposition "Une route, un chemin" au centre d'art Le point du jour, à Cherbourg (http://www.groupe-rado.org/fr/LE_GROUPE/Maxence_Rifflet)

· Anne-Lise Broyer, si vous ne la connaissez pas déjà et avec laquelle vous pouvez trouver beaucoup d’affinités qui pourront je pense vous aider à mieux définir votre propre démarche (www.annelisebroyer.com).


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