Laurent Patouillard

Laurent a choisi une approche très inhabituelle de sa documentation du mariage. Il a décidé de regarder le mariage tel une pièce de théâtre et par conséquent en se centrant sur tous les éléments qui la composent: rôles, mises en scène, organisation, scénographie, décor. Il s’agit d’une approche très intéressante à mon sens car cela pousse immédiatement l’observateur à aller au delà de l’image traditionnelle du mariage en lui même – fait de bonheur, joie, engagement, famille, etc. – et encourageant une réflexion autour d’un aspect moins analysé du mariage: la préparation, l’organisation, l’attention particulière aux moindres détails, les jeux de rôles, tout cela participe a un but secondaire, latent mais toujours présent: l’image que les couples de mariés – et tout les autres présents – souhaitent projeter d’eux mêmes.

J’aime le fait que Laurent souhaite aller au delà de la représentation immédiate et évidente des situations, au delà de ce qui est attendu de lui et s’approprier sa propre vision de l’évènement. Et je pense que Laurent a réalisé un travail attentif et excellent d’utilisation de tous les éléments visuels présent en face de lui afin d’amplifier cette vision de théâtralisation du mariage.

Il commence très bien. Dans sa première image, il nous présente le couple qui marche le long de l’allée, et en tant qu’observateur, je commence immédiatement à me poser des questions: l’allée semble vide, est ce une répétition? Peut être pas car la mariée porte sa robe de mariage. Mais ou sont tous les invités? L’observateur est libre de penser que le couple est dans une église, mais ce fait est laissé en suspens car non confirmé, car Laurent a choisi de photographier le couple par en haut, et cette perspective élimine l’autel du cadre, laissant un doute subtil dans l’esprit de l’observateur.

Le mystère est accentué par le côté sombre de la photo, obscurité qui transforme presque l’église en un théâtre. Un autre bon exemple du thème visuel du théâtre est la photo n°6 avec laquelle Laurent nous montre un moment décalé du dîner. Une femme se dresse dans la pièce, regardant son telephone portable, absorbée dans ses pensées and attentivement cadrée par les rideaux de l’arrière plan.

A nouveau en tant qu’observateur, je ressens la potentialité théâtrale de cette scène. L’image n°7 est une autre tentative réussie: une moment mystérieux, avec le mystère accentué par les reflets de lumière et par l’expression de l’homme au centre du cadre, par l’intensité de son regard, et par le contraste extrême entre la solennité profonde de ses yeux et l’expression joyeuse de la femme devant lui. La photographie a également une qualité voyeuriste: un bon usage de prise de distance qui donne une perspective différente, ajoutant un autre élément au thème théâtral.

Le dernier cadrage, un homme allongé sur les chaises, seul, est également une réussite sous plusieurs angles: l’utilisation de la lumière, la composition, et bien sûr, l’étrangeté de la scène tout contribue au but du photographe. J’aime beaucoup la simplicité et l’immédiateté de la composition, la façon dont la lumière rencontre le visage de l’homme, mais toujours en gardant l’ambiance tamisée de la scène. La photo 5 est également bonne: Laurent réussit à nouveau à capturer un moment intéressant et intriguant dans le langage corporel de la femme. Il a fait un bon travail dans le remplissage du cadre et l’usage d’une certaine distance du sujet, et encore une fois, elle possède des qualités voyeuristiques.

La seule photo en extérieur est la n°4: c’est un bon choix d’inclure une image d’extérieur, j’aime l’atmosphère suspendue de cette photo ou l’homme semble attendre quelqu’un à l’extérieur de cet immeuble de marbre. Dans la composition cependant, cela me gêne un peu que l’homme se superpose avec le signe blanc sur la porte. Un bon rappel que les photographes doivent faire très attention à tous les éléments du cadre, ce qui se passe face à eux et capte leur attention mais aussi les arrières plans, 1ers plans et coins.

La prochaine image que je vais décrire sont les moins réussies à mon sens, principalement dû à des imperfections dans la composition. La photo n°2 est une bonne tentative de prolonger l’effet théâtral: le couple est supposément à l’autel, on ne voit pas leur visage ni l’autel, le mystère continue donc…mais en tant qu’observateur, je suis distraite par le bras de la femme dans le coin haut de la photo. Cela devient une photo de bras de femme, c’est trop distrayant, l’observateur ne peut pas se concentrer sur l’intention finale de Laurent.

Le bras devient une distraction visuelle de l’élément réel qui est la grossesse. Une solution simple à ce problème aurait été de recadrer (tout en photographiant) la partie supérieure du bras. La photo n°3 aurait également pu être une bonne tentative de capturer un élément différent de l‘aspect cérémoniel du mariage, et d’une perspective différente, mais la table sur la gauche est lourdement illuminée, mélangée avec l’ombre de l’homme, cela crée une confusion dans l’image.

Dans l’ensemble, j’ai beaucoup apprécié le travail de Laurent et son intention créative. j’aime la variété de ses cadrages et compositions. Il a de réelles merveilles dans ses prises de vue et en séparant les photos plus faibles, l’histoire serait encore plus forte.