Voilà. J’entends que mon métier consiste d’avantage à être un témoin, là au bon endroit au bon moment. C’est ainsi que j’envisage mon besoin d’authenticité. Je prends conscience cependant qu’en bien des situations, la vérité se tord et se révèle à nous en fonction de choix. Et si je veux témoigner de la vérité d’une personne, je ne peux pas me contenter d’attendre qu’elle me montre ce visage.
De témoin à acteur, il y a un pas que je n’avais jamais envisagé de franchir. Or il me semble percevoir également que tout être est un acteur. Quelle est, à cet égard, la vérité d’une personne photographiée ? Il est, de fait, de mon ressort d’aller chercher cette vérité là où elle se cache. Pour déceler l’acteur, il s’agit donc d’être acteur à son tour.
Manière de se jeter à l’eau, la comédie s’apprend et être photographe de portrait s’apprend comme on apprend à monter sur scène. Passés les trois coups, on est nu face au public, et ce que l’on attend de lui ce sont ses rires, ses larmes, la spontanéité de moments de vie dont nous sommes les maîtres.
C’est terrifiant.
Mais l’obligation dans laquelle on se place de dépasser cette terreur révèle en soit une part de jouissance.